Et si l’inclusion des profils neurodivergents bénéficiait à toute l’organisation, bien au-delà des seules personnes concernées ?
Lorsque je parle Ă des dirigeants ou DRH d’inclusion de la neurodiversitĂ©, pour mieux bĂ©nĂ©ficier de leurs talents si originaux, ceux-ci m’opposent souvent l’argument qu’ils n’ont pas le temps et l’argent pour s’adapter Ă toutes les spĂ©cificitĂ©s de leurs collaborateurs, et qu’ils doivent aussi et en prioritĂ© ĂŞtre attentifs aux 80% qui n’entrent dans aucune « case », et peuvent ainsi avoir le sentiment d’être « laissĂ©s pour compte ».
En réalité, et de façon contre-intuitive, vous préoccuper des profils neuro-atypiques en interne bénéficie aussi à l’ensemble des collaborateurs. Et donc globalement à la performance collective de votre entreprise.
Quels sont ces bénéfices induits concrètement ? Quels impacts chiffrés pour votre entreprise ? Quelles actions concrètes, très économes et à l’impact immédiat, pouvez-vous mettre en place dès aujourd’hui ? Tel est l’objet de cet article.
Inclusion : un levier global et transversal
Quand on évoque la neurodiversité en entreprise, la réaction la plus fréquente est de la réduire à une mission RH : inclure quelques individus différents, souvent perçus comme « à part ». Mais c’est oublier l’essentiel.
Inclusion ne veut pas dire accompagnement individuel, elle est plutĂ´t synonyme de transformation collective.
Créer des conditions de travail et de management qui permettent aux profils cognitivement atypiques (HPI, autisme, TDAH, DYS …) d’exprimer leurs pleins potentiels bénéficie non seulement à ces profils, mais permet aussi et surtout de fluidifier leurs relations avec tous les autres collaborateurs, et d’apporter des améliorations en interne bénéfiques à tous, tant sur le plan des conditions de travail que sur les méthodes de travail.
Autrement dit : la neurodiversité agit comme un révélateur de leviers d’efficacité collective. En interne. Les entreprises pionnières en la matière l’ont bien compris, et c’est pourquoi elles conduisent autant d’initiatives dans cette direction.
Des impacts mesurables sur la performance collective
Plusieurs entreprises ont documenté l’impact de leurs programmes d’inclusion neurodivergente sur la performance globale :
- JPMorgan Chase rapporte que son programme « Autism at Work » a permis d’identifier de nouvelles méthodologies d’analyse de données créées par et pour des collaborateurs autistes, ensuite reprises par des équipes neurotypiques, car plus rapides et plus efficaces (gain de temps d’un rapport de 3 à 1)
- Microsoft indique que son programme « Neurodiversity Hiring » a conduit à l’amélioration des processus de test qualité et de cybersécurité, des innovations qui ont bénéficié à l’ensemble des produits et des équipes.
- Hewlett Packard, Willis Towers Watson, et Ernst & Young, témoignent dans un article de The Times du 20 mars 2025 intitulé « Neurodiverse staff well suited to a changing world » (*) que les adaptations mises en place pour les profils cognitifs atypiques ont favorisé une refonte des méthodes de travail, qui ont bénéficié à tous les collaborateurs.
(*) « Les profils neurodivergents parfaitement adaptés à un monde changeant »
Quelques exemples sur ces transpositions / extensions possibles de pratiques originales :
- « Nettoyage cognitif » des projets : introduction de briefs visuels clairs, de consignes plus explicites, et de checklists partagées, désormais utilisées par l’ensemble des équipes pour éviter malentendus.
- Création d’espaces de travail adaptés et modulables : zones silencieuses et temps de travail sans interruption ont amélioré la concentration pour tous.
- Réunions structurées : ordre du jour partagé, plus de visuels, tours de parole systématisés et postures qui permettent une participation plus équitable.
- Utilisation d’outils visuels dans les projets : kanban, mind-mapping, prototypage rapide, créant de nouvelles façons de collaborer et d’innover, utilisées par toute l’équipe.
- Feedbacks systématisés et adaptés : usage de rétrospectives structurées, adaptées aux neurodivergents, qui renforcent la réactivité de toute l’organisation.
A noter que cette contamination d’impacts positifs à tout le personnel de conditions et/ou méthodes dédiées est aussi vérifiée avec les démarches d’inclusion du handicap. Comme par exemple avec Unilever, à l’origine de l’Inclusive Production Toolkit et l’Inclusive Set Commitment, destinés à intégrer des personnes en situation de handicap sur les plateaux de tournage publicitaire, et qui a conduit à un renforcement de productivité global pour tous.
En synthèse, un principe simple : intégrer la diversité cognitive permet d’ouvrir de nouvelles approches, de remettre en question des habitudes devenues inefficaces, et de favoriser une culture du feedback et de l’amélioration continue.
Quelles actions concrètes à court et moyen terme ?
Mettre en œuvre une politique d’inclusion neurodivergente ne nécessite pas des investissements massifs, mais plutôt une volonté de faire évoluer les états d’esprit et certaines pratiques. Voici quelques idées d’actions concrètes à mettre en œuvre, au coût très réduit et à l’efficacité immédiate (*) :
Ă€ court terme (3-6 mois) :
- Sensibiliser / Former les managers à la diversité cognitive (types de profils, comment les reconnaître et les aider à se reconnaître eux-mêmes, leviers de motivation). Plus généralement, sensibiliser et informer l’ensemble du personnel (*)
- Clarifier la communication : consignes explicites, documentation des processus, réunions avec ordre du jour et règles d’échange partagés à l’avance
- Adapter les environnements et l’organisation du travail : modulation de l’éclairage, espaces calmes, réduction des interruptions de travail.
- Mettre en place une écoute active : repérer les signaux faibles pour aider les profils neuro-divergents à se reconnaître (**), et à déployer leurs talents.
Ă€ moyen terme (6-18 mois) :
- Créer une taskforce ou communauté interne dédiée à la neurodiversité, en lien avec les représentants RH et métiers, en nommant et formant des référents neurodiversité.
- Intégrer des neurodivergents dans les équipes projet stratégiques, notamment en innovation ou dans les projets de transformation (par exemple le déploiement de l’IA en interne).
- Mesurer les impacts collectifs (absentéisme, satisfaction, créativité, temps de traitement) en lien avec les évolutions apportées.
L’enjeu n’est pas d’aménager l’organisation pour quelques personnes, mais bien de repenser l’organisation à la lumière des talents spécifiques de chacun.
Les conditions de réussite d’une telle démarche ?
- Faire sponsoriser la démarche par le Comex
- Créer les conditions en interne d’une ouverture et bienveillance envers la différence, pour qu’elle soit perçue sincèrement par tous comme une richesse
- Communiquer largement et en continu sur les résultats, et sur les bénéfices potentiels pour TOUS
(*) En janvier 2025, je suis intervenu lors d’un webinaire au sein de TotalEnergies, ouvert Ă tous les collaborateurs volontaires sur le thème « HPI, rĂ©vĂ©ler leurs pleins potentiels pour la performance globale de l’entreprise ». Christine Hamot, responsable mission handicap au sein du groupe, Ă l’initiative de ce webinaire, m’a tĂ©moignĂ© des retours Ă court terme de cette action, et de toutes les autres dans ce domaine, non seulement sur les participants, mais aussi pour leurs collègues et leurs managers.
(**) Les profils neurodivergents ont tendance à ignorer leur spécificité, notamment parce qu’ils ont une tendance et une forte aptitude à la sur-adaptation aux autres, qui les conduit à tout faire pour masquer leurs talents et se « fondre dans la masse ».
👉 En conclusion
Intégrer la neurodiversité ne signifie pas « s’adapter à la marge ». Cela signifie créer les conditions pour que tous les talents et l’intelligence collective s’expriment pleinement.
Et dans un monde où les ruptures se multiplient, toujours plus grandes et imprévisibles, où l’attention se fragmente, où les burn-out explosent, et où l’engagement des salariés s’effrite, il est temps de se demander : et si les « différences » – en particulier neurocognitives – étaient la clé pour mieux travailler ensemble et s’adapter plus vite et plus fort ?
Pour en savoir plus
Participez Ă notre prochain webinaire gratuit sur le thème « Quels bĂ©nĂ©fices d’une dĂ©marche d’inclusion de la neurodiversitĂ© pour votre entreprise ? » du mardi 7 octobre Ă 12h30, que j’aurai le plaisir de co-animer avec deux autres experts en neuro-inclusion : CĂ©line Racle-Alarcon et Jenny Augias.
Vous souhaitez bénéficier d’un premier pré-diagnostic de votre situation, en savoir plus sur les actions possibles, ou si vous avez des questions spécifiques :
Et pour ne rien perdre de mon actualité c’est ici.
Cyril Barbé