Dans mon précédent article du 13 décembre, je vous parlais des qualités (ou états d’esprit) utiles pour se lancer, et réussir, dans l’aventure entrepreneuriale, en particulier pour les HPI.
Dans ce nouvel épisode, je me propose de vous partager ma première expérience dans ce domaine. Je me suis alors impliqué aux côtés d’un fondateur, en étant encore salarié à temps plein par ailleurs. Être un très bon « second », dans l’ombre du dirigeant est un réflexe très courant chez les HPI, qui n’aiment pas se mettre en avant pour diverses raisons. Pourtant, je suis devenu convaincu suite à cette expérience, que ce n’est pas une vraie bonne façon de se tester en tant que futur entrepreneur.
Par ailleurs, le projet était très ambitieux, mais surtout la marche à franchir par-rapport à mon inexpérience totale en entrepreneuriat, était bien trop haute. Là aussi, une habitude chez les HPI, mais que je déconseille à celles et ceux qui veulent se lancer pour la première fois.
Découvrez-en plus sur mon expérience, et ce que j’en ai appris sur les facteurs de réussite ou d’échec pour des entrepreneurs HPI.
Une activité ultra-innovante, et très ambitieuse
J’ai toujours été passionné d’aviation. En 1997, je décide de m’inscrire à l’aéroclub local, pour une formule à l’essai de 2h30 de vols d’initiation pour apprendre à piloter. Deux ans et 67 heures de vol plus tard, me voilà licencié pilote privé d’avion.
C’est dans ce cadre que je rencontre en 2006 un autre pilote, possédant son propre avion – un TB20 Trinidad – en partage avec un multi-entrepreneur, tous deux passionnés d’aviation. 5 ans plus tard, cet ami pilote se présente à la CCI (où je travaille) pour déclarer la création d’une entreprise, destinée à louer son appareil à d’autres pilotes. Il me parle d’un projet ultra-innovant : créer la 1ère compagnie européenne de transport public de passagers en avion monomoteur, projet pour lequel il cherche des investisseurs.
En Europe, les autorités de l’aviation civile (EASA, et DGAC en France) n’autorisent pas le transport de passager en avion monomoteur, seulement avec des avions possédant au moins 2 moteurs pour des raisons de sécurité. Mais avec l’avènement de nouveaux appareils mono-turbine très sûrs (dont le TBM700 et le PC12), cette vision a changé et lui l’a vu venir. D’ailleurs, les USA autorisent ce type de transport depuis des années avec un très fort taux de fiabilité.
Son idée m’enthousiasme dès le départ, et je lui ai fait part de mon envie de participer à cette aventure, malgré le peu de temps que j’avais étant salarié à temps plein. Je prends 3% des actions de la société Voldirect, et je prends part au Conseil d’Administration, et je m’implique à ses côtés les soirs et weekends sur la phase de communication, marketing, et pré-commercialisation (au point de me mettre en scène dans les photos, comme celle illustrant cet article).
J’étais rassuré de me dire que je n’étais pas en première ligne
En 2011, je n’avais aucune expérience entrepreneuriale, mais j’étais depuis une dizaine d’années membre d’un club de dirigeants d’entreprise – le CJD, Centre des jeunes Dirigeants – qui accueille aussi des dirigeants salariés, comme moi. Aux côtés de ces créateurs ou repreneurs d’entreprise, j’avais eu le temps de prendre conscience que cette aventure me plaisait, tout en me faisant un peu peur : étais-je vraiment capable de créer ? De gérer une entreprise ? De vendre ? Ces entrepreneurs me paraissaient tous tellement impressionnants, et parlaient un langage que je ne maîtrisais pas …
Cette opportunité de cet ami qui créait une compagnie d’aviation privée constituait donc pour moi une formidable opportunité : participer à une aventure entrepreneuriale sans avoir à prendre de risque (ou presque). Savoir que ce n’est pas moi qui dirigerais la société me rassurait.
Mais la contrepartie était que je n’ai pas vraiment vécu de l’intérieur ce qu’est la création d’une activité, et la gestion de cette entreprise. Par exemple de savoir optimiser ses dépenses, en particulier quand les premiers clients tardent à se décider, même quand on est convaincu du bien-fondé d’investir sur l’avenir. Etant en seconde ligne, et qui plus est en ayant un job salarié par ailleurs, je n’étais pas impliqué comme mon fondateur, et l’apprentissage n’était donc pas du tout le même.
D’une certaine façon j’étais un copilote de l’entreprise, mais pas aux commandes, juste en observation avec la possibilité de distiller mes conseils et suggestions, sans aucune garantie qu’ils seraient suivis d’actions, et donc encore moins garanti de recevoir les feed-backs des résultats de ces idées ou actions.
J’étais impressionné par les qualités du dirigeant, et j’ai manqué d’objectivité dans mon regard
Mon associé fondateur avait plusieurs qualités que je pensais ne pas avoir moi-même, qui m’impressionnaient et me faisaient secrètement envie :
- Une compétence technique hyper pointue sur le type d’appareils que nous visions (TBM700 et PC12), mais aussi sur les réglementations aériennes, en particulier pour le transport aérien
- Une confiance en lui, une sérénité à toute épreuve, qui tranchait avec mon caractère plutôt survolté, et facilement stressé.
- Une sorte de charisme, une posture que je percevais beaucoup plus comme cohérente avec l’image que je me faisais d’un entrepreneur
Avec le recul, cette admiration m’a freiné dans ma capacité à avoir un véritable regard objectif sur le fonctionnement de l’entreprise, et sur son développement. Par exemple, je n’ai pas su voir plusieurs choses spécifiques à ce marché :
- La dimension émotionnelle dans la prise de décision d’un nouveau prospect était fondamentale, et je ne l’avais pas prise en considération.
- Il nécessitait des commerciaux très affutés, ce que je n’étais pas du tout à l’époque.
- Il était encore à défricher, et nécessitait donc beaucoup de temps pour réussir.
D’ailleurs, cette admiration m’a joué d’autres tours : le projet était rendu possible par l’appui financier d’un client historique, actionnaire majoritaire, et qui a changé de politique en cours de route, risque que je n’ai pas su voir au départ, là encore par admiration personnelle envers ce dirigeant.
Et je n’ai pas non plus su non plus partager avec mon associé fondateur mes avis, mes intuitions, de façon suffisamment forte et assertive, étant persuadé qu’il savait tout mieux que moi. C’est un biais cognitif très fréquent chez les HPI : ils pensent être moins compétents que les autres, même quand ils constatent des signaux exprimant le contraire.
Un projet trop ambitieux, une marche trop grande
Dire qu’un projet est trop ambitieux pour des HPI est difficile à admettre. D’abord parce c’est cette ambition ou complexité qui génère leur motivation sur la durée. Et ensuite parce qu’ils ont un haut niveau d’exigence.
Maintenant avec le recul de 20 années, je sais que ce projet était « trop » ambitieux, ou plus exactement que la marché était trop grande :
- Parce qu’il défrichait un terrain vierge, qui plus est face à une administration plutôt frileuse, ce qui risquait d’entraîner des délais à rallonge dans l’obtention de notre CTA (Certificat de Transporteur Aérien)
- Parce qu’il s’adressait aux PME, une clientèle très inhabituelle dans l’aviation d’affaires,
- Parce qu’il nécessitait une mise de fonds élevée, et donc l’appui de financeurs externes
- Enfin parce que je ne connaissais pas ce marché de niche, et l’image d’ultra-luxe qu’il véhicule et ses impacts.
Ce que j’ai tiré comme enseignements de cette expérience ?
Le premier enseignement que je tire de cette expérience, est que les HPI ont tendance à se masquer, comme un très bon second, derrière un entrepreneur qui leur semble à la fois plus compétent, plus expérimenté, et rassurant, et ce n’est pas forcément le bon réflexe pour apprendre et déployer ses ailes, pour les raisons suivantes :
- Ils ne vivent pas vraiment l’expérience d’entreprendre
- Cela ne les aide pas à retrouver leur pleine estime d’eux-mêmes, et confiance en eux
- Ils n’osent pas exprimer leurs avis et intuitions, malgré leur intime conviction
Le second enseignement que je tire est que les HPI ont tendance à chercher un mentor, une personne qu’ils vont admirer, et qui va les faire progresser. Or force est de constater qu’ils savent déjà faire beaucoup de choses par eux-mêmes, et qu’il leur est souvent difficile de trouver un mentor répondant à leur [haut] niveau d’exigence.
De plus, ils tombent facilement entre les griffes de manipulateurs, qui savent très bien repérer leur empathie et leur a-priori positif sur les autres. Il est donc essentiel pour eux de savoir assumer pleinement ses aptitudes à entreprendre et à réussir par eux-mêmes, sans nécessairement avoir besoin d’un mentor à admirer.
Le troisième enseignement que je tire enfin, est qu’il est essentiel de savoir se définir des étapes intermédiaires en vue d’un objectif très ambitieux, et de savoir être patient plutôt que de chercher à brûler ces étapes. Comme le dit l’adage, « un tien vaut mieux que deux tu l’auras ».
Tout cela montre bien que, malgré l’arrêt de l’activité après 10 ans (la SAS Voldirect a fermé ses portes le 19 octobre 2021), cet échec a été un formidable apprentissage pour moi, et a sans doute contribué en grande partie à ce que mon activité actuelle de conseil-formation-coaching soit une réussite.
Pour aller plus loin
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Cyril Barbé