Comment exploiter ses formidables atouts quand on est chercheur multi-potentiel ?

Les chercheurs font un métier fantastique, qui les conduit à produire de grandes avancées scientifiques, dans tous les domaines de notre vie : médical, informatique, environnement, matériaux nouveaux, spatial, etc … Sans eux, aucune découverte majeure ayant changé notre monde n’aurait vu le jour.

Mais comment aboutissent ces découvertes ? Je ne suis pas chercheur, et suis donc bien incapable de proposer un article à ce sujet. En revanche, j’ai accompagné des chercheurs multi-potentiels, et j’ai pu constater à quel point ceux-ci ont des aptitudes particulières à faire des découvertes majeures, permettant des avancées cruciales dans leur domaine. Mais aussi à quel point parfois, ceux-ci s’empêchent eux-mêmes inconsciemment de franchir le pas décisif qui permettra ces découvertes.

Cet article explique ce que sont les atouts et freins des chercheurs multi-potentiels, et comment tirer parti de ces atouts pour permettre des découvertes majeures.

Les atouts des chercheurs multi-potentiels

Lorsqu’à la fin du XIXème siècle, les scientifiques font le constat que la vitesse de la lumière est une limite maximale qu’aucun objet physique ne peut dépasser, ils sont face à une contradiction avec la mécanique newtonienne, qui précisent que les vitesses s’additionnent lors d’un changement de référentiel (par exemple un voyageur marchant à 4 km/h dans un train avançant à 100 km/h se déplace à 104 km/h par-rapport au paysage environnant).

Il a fallu l’esprit décalé d’Albert Einstein, imaginant que le temps pouvait se dilater et que l’espace pouvait se contracter, pour réconcilier ces 2 constats en une théorie, celle de la relativité restreinte, qui reste en vigueur depuis cette époque. On peut supposer que si Einstein n’avait pas eu un esprit rebelle, s’il n’avait pas été perçu dans sa jeunesse comme un mauvais élément, s’il n’avait pas su se protéger des objections et convictions péremptoires de certains de ses collègues, il n’aurait jamais eu cette idée géniale qui a révolutionné notre compréhension du monde.

Einstein avait des intuitions fulgurantes, et les considérait comme la « seule voie menant aux idées et aux découvertes ». Enfant, le jeune Albert utilise beaucoup son imagination et passe du temps à rêver éveillé, tout comme le faisait Léonard de Vinci en observant le ciel et les nuages par exemple. Les chercheurs multi-potentiels que j’accompagne ont aussi ces prédispositions particulières aux intuitions.

Einstein n’était pas le seul à voir en l’intuition une alliée pour la science. Une étude menée dans les années 30 sur le sujet par deux chimistes américains Platt et Baker auprès de 232 scientifiques, révèle que 83 % d’entre eux – toutes disciplines confondues – s’estiment aidés par des « intuitions inconscientes ». Plus récemment en 1994, une enquête suédoise menée auprès d’un panel de lauréats de prix Nobel en physique, chimie et médecine, montre que l’immense majorité se fie à leur instinct dans leur travail.

Ils ont aussi une grande créativité, qui leur permet d’inventer de nouvelles façons de chercher, de tester leurs hypothèses, et in fine de faire aboutir leurs quête, ou de découvrir un nouveau modèle permettant d’expliquer l’incompréhensible, des solutions nouvelles aux problèmes.

Les freins des chercheurs multi-potentiels

Problème : l’intuition n’a pas une image très rationnelle, qui plus est dans l’univers scientifique, où tout doit être explicable par des arguments factuels et objectifs. Einstein disait : « un bond se produit dans la conscience, et la solution vient à vous, et vous ne savez ni comment, ni pourquoi ». Les auteurs de ces intuitions ont d’ailleurs toutes les peines du monde à reconstituer le cheminement intellectuel qui les y a conduit, et ainsi à en justifier la pertinence. Voilà une première raison pour laquelle les chercheurs multi-potentiels ne font pas spontanément confiance à leurs intuitions.

De plus, la plupart du temps, ces intuitions conduisent leurs auteurs à aller à l’encontre de certaines règles ou habitudes établies. Or les multi-potentiels ont une caractéristique particulière : ils ont une très forte empathie, et manquent de confiance en eux. Ils se fient donc plus naturellement aux avis de leurs collègues plus traditionnalistes, qu’à leurs intuitions.

Par ailleurs, leur esprit très vagabond et rêveur est aussi celui qui les conduit à se perdre dans de nombreux méandres de leurs recherches, et perdre de vue leur objectif initial. Cela peut être perçu comme une forme de dispersion, même si, au passage, c’est justement leurs cheminements à priori erratiques qui leur permet d’avoir ces fameuses intuitions, par recoupement inconscient de diverses informations entre elles.

Enfin, leur sensibilité élevée leur fait vivre des montagnes russes émotionnelles, ce qui a plusieurs conséquences : ils passent par quelques moments de grand enthousiasme, entrecoupés de (plus) nombreux moments de baisse de moral, des épisodes que l’on peut pour certains qualifier de dépressifs. Ces moments peuvent les conduire à perdre leur persévérance, et abandonner une voie qui pourtant aurait pu s’avérer décisive.

Ressenties au mauvais moment, ces émotions peuvent parfois aussi les conduire à faire des erreurs de raisonnement, même minimes, et les conduire à des conclusions inexactes, et ainsi remettre en cause tout le reste de leur travail, pourtant très pertinent.

Comment un chercheur multi-potentiel peut-il pleinement exploiter ses formidables atouts ?

On le voit donc bien, non seulement les chercheurs multi-potentiels ont des modes de fonctionnement spécifiques qui peuvent les freiner dans leur pleine réussite professionnelle, mais encore ils ont tendance à sous-exploiter leurs potentiels si originaux, comme notamment leurs intuitions.

J’accompagne depuis récemment Céline Bouissou, une ergothérapeute en cours de thèse de doctorat, spécialiste de la main et du membre supérieur, plus particulièrement chez les musiciens, pour qui la pratique instrumentale nécessite une rééducation spécialisée et une connaissance approfondie de leurs gestes. Celle-ci travaille depuis plusieurs mois sur une pathologie de l’épaule (le blocage d’un nerf sous la clavicule), zone anatomique particulièrement complexe, pour laquelle elle rencontre des difficultés depuis longtemps à trouver la solution de rééducation.

En effet, comme tout bon chercheur, elle a commencé par se plonger dans la littérature scientifique existant sur le sujet. Celles-ci recommandent de pratiquer un renforcement musculaire à l’opposé de la zone concernée, sensé libérer la tension au point douloureux, mais cette pratique ne fonctionne pas dans ce cas. L’approche de cette spécialiste est différente et originale, elle cherche à intégrer le contexte de survenue de la douleur. Elle pratique une observation minutieuse de se patients en exercice, qui viennent avec l’objet qu’ils utilisent (souvent un instrument de musique), et en déduit les gestes qui provoquent la douleur, et ceux qu’il est préférable d’adopter en échange.

Problème, elle ne faisait pas assez confiance à son intuition, et ne croyait donc pas vraiment dans le pouvoir de son approche différente dans ce cas, et restait bloquée dans sa recherche. C’est en prenant conscience de la pertinence régulière de ses intuitions, et en l’aidant à objectiver la valeur de leur apport, qu’elle a enfin tenté cette approche pour ce type de pathologie, et réussi à en trouver la clé.

Que tirer de cet exemple concret ?

  • Ils n’ont pas une bonne image de leurs intuitions, par mimétisme et empathie excessive avec leurs confrères qui en ont moins et ne les comprennent pas, et parce qu’ils sont inconsciemment sous influence d’une culture cartésienne qui prévaut au sein du monde scientifique, et qui ignore le rôle de l’intuition.
  • Ils ont une perception faussée d’eux-mêmes, pensant qu’ils sont comme les autres, malgré les nombreux signaux clairs qui leur disent le contraire, et par conséquent ne savent pas spontanément exploiter leurs formidables potentiels
  • Cette perception faussée est difficile à combattre et à corriger, car ils ont une très forte capacité d’adaptation et ont, depuis très longtemps, pris le pli d’adopter des modes de fonctionnement qui ne leur conviennent pas.

Comment déployer leurs pleins potentiels ?

Pour réussir vraiment à produire de grandes avancées scientifiques, les chercheurs multi-potentiels doivent donc :

  • Apprendre à prendre conscience et assumer pleinement leurs différences, leurs spécificités, leurs modes de fonctionnement originaux
  • Apprendre à se défaire du regard des autres, ne plus être sous l’influence de leurs objections, en apprenant à renforcer leur estime d’eux-mêmes, ne ainsi plus être dans l’autocritique et l’auto-sabotage
  • Prendre conscience de la grande valeur de leurs intuitions grâce au regard d’observateurs externes non spécialistes
  • Apprendre à se fixer des objectifs plus atteignables pour renforcer leur persévérance dans l’effort et l’adversité
  • Apprendre à gérer, et même mieux, à anticiper leurs émotions, pour qu’elles deviennent des alliées et non plus des ennemies
  • Découvrir leurs tactiques personnelles pour gérer leur temps, maintenir le cap, ne pas s’épuiser, etc …

Tout cela ne peut se faire seul, au risque de perdre des années en errements : mais se faire aider n’est pas non plus naturel pour un multi-potentiel, qui a l’habitude de tout apprendre seul et en général très bien et très vite. Qui plus est quand on est chercheur et qu’on est persuadé que seul un expert plus expert que soi dans son domaine pourrait les comprendre …

Pour aller plus loin

En savoir plus sur le fonctionnement des multi-potentiels en suivant mes replays.

Lire mes autres articles à ce sujet.

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Cyril Barbé

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