Les HPI / multi-potentiels, des entrepreneurs à succès : le témoignage inspirant de Pascal Bricier, co-gérant de la pépinière d’altitude Puthod

Dans un précédent article, j’explique en quoi les HPI / multipotentiels ont de sérieux atouts pour entreprendre, et y réussir, même si beaucoup d’entre eux ont aussi des freins qui les empêchent de concrétiser leur engagement dans ce type de carrière.

Pascal Bricier, cogérant de la pépinière d’altitude et société de paysagiste Puthod, m’a récemment accordé un interview sur ce sujet. En quoi Pascal peut-il est considéré comme un multi-potentiel ? Quel est son parcours entrepreneurial ? En quoi le fait d’avoir des modes de fonctionnement différents l’a-t-il freiné, ou au contraire aidé, dans sa réussite entrepreneuriale ?

Découvrez-le dans cet article.

En quoi Pascal peut-il être considéré comme un multi-potentiel ?

  • Il a une grande curiosité et ouverture d’esprit : il part du principe que tout est intéressant, et beaucoup de choses l’intéressent, même si au plan professionnel, il essaie de se concentrer sur ses sujets principaux que sont le végétal, l’agriculture, la relation client.
  • Il fait très souvent des liens entre deux sujets ou domaines qui n’ont rien à voir, et c’est ainsi qu’il a une grande aptitude à innover, et à avoir des intuitions pertinentes pour anticiper le futur.
  • Il aime découvrir et apprendre de nouvelles choses en permanence, et il admet avoir une grande mémoire auditive et visuelle, même s’il n’a pas fait de longues études et ne se considère pas comme un scientifique (*).

(*) Il a commencé au bas de l’échelle scolaire avec un BEP, puis un brevet de technicien avant de terminer avec un BTS.

  • Il a tendance à facilement s’ennuyer s’il ne se sent pas suffisamment sollicité au plan intellectuel et humain
  • Il a un très haut niveau d’exigence, pour lui-même et pour ses équipes, c’est sans doute ce qui l’a conduit à avoir des clients toujours plus prestigieux.
  • Il adore les défis, les challenges, la difficulté et la complexité, c’est ce qui le motive au quotidien.
  • Il a longtemps ressenti un manque de légitimité, même si cela s’estompe avec l’âge et l’expérience. Comme par exemple quand on lui a demandé de prendre la présidence régionale de son syndicat professionnel (*). Il a d’ailleurs longtemps mis ce sentiment sur le compte d’une prétendue timidité.

(*) Le syndicat Verdir, ex « Fédération Nationale des Producteurs de l’Horticulture et des Pépinières »

  • Il a une tendance à la procrastination, car il « aime être sous pression. »
  • Il a de façon récurrente un sentiment de décalage avec les autres personnes : je le cite « Ma femme me dit j’habite sur une autre planète. »
  • Une grande aptitude à la vision à long terme : il est celui des 2 associés qui donne les impulsions pour anticiper les grandes tendances de son marché.
  • Il se questionne et se remet en cause en continu, c’est ce qui lui a permis de s’adapter à tous les changements et enjeux pour son entreprise depuis 20 ans.
  • Il a une haute sensibilité et une forte empathie, même s’il estime avoir beaucoup progressé dans ce domaine.
  • Il a un fort besoin de sens et d’utilité à sa vie, et la valeur justice est très importante pour lui : c’est ce qui le fait choisir ses clients en fonction de la cohérence entre leurs valeurs et les siennes.

Pascal était-il conscient de cette différence ?

Comme la plupart des multi-potentiels, Pascal ne s’est jamais intéressé à ce sujet, ne se sentant pas du tout concerné personnellement. Jusqu’à une rencontre d’entrepreneurs il y a quelques années dans le cadre de son club APM (*) sur le sujet : il s’est identifié à plusieurs des caractéristiques de ces profils et a commencé à s’interroger, mais sans creuser, craignant de paraître prétentieux.

En résumé, Pascal a fait une forme de déni sur le sujet, pensant que ce n’était pas lui, malgré certaines évidences, et pensant que cela n’avait aucune importance. Et ce déni a pu l’empêcher d’avoir les bonne attitudes dans certaines situations.

(*) Association pour le Progrès du Management

Quelles ont été les conséquences de ce déni ?

Dans le cas de Pascal, il n’y a pas eu d’impact direct sur son entreprise, ou sur ses résultats financiers, mais il y en a eu sur sa santé et sur ses relations interpersonnelles, et notamment :

  • Il intimide facilement son entourage, à commencer par ses collaborateurs, et il ne s’en rendait pas compte du tout, pensant au contraire paraître pour un patron simple et accessible. Cette perception décalée a pu freiner ses collaborateurs pour exprimer leurs avis, leurs besoins, ou simplement leurs talents
  • Il est capable de s’engager à 200%, au point d’être régulièrement en surcharge mentale, et d’en oublier son corps et sa santé : c’est ainsi qu’il a vécu en 2018 un burn-out qu’il n’a pas du tout vu venir.
  • On le décrit facilement très rapide et impatient, ce qui a pu générer des tensions avec certains de ses chefs d’équipe : par exemple, une de ses coaches lui a dit un jour « et si vous leur laissiez terminer leur question avant de commencer à y répondre ? ».
  • Il peut parfois surinterpréter ou interpréter trop hâtivement les paroles des autres ou ses propres impressions d’une situation : lors de recrutements par exemple, il se base sur son intuition, qui est en général très bonne. Mais quand parfois il se trompe, il ne comprend pas pourquoi, et le vit mal.

Pourquoi et comment est-il devenu entrepreneur ?

Lors de ses études en aménagement paysager à Rennes, étant très attiré par la montagne, il a effectué un stage professionnel de 12 semaines aux pépinières Puthod. Ayant beaucoup plu à ses managers, on lui a proposé un CDI, qu’il a refusé ayant un autre engagement à cette époque, bien que Puthod était déjà l’époque une référence de premier choix dans son domaine.

Un an plus tard, le hasard d’un décès accidentel dans l’entreprise conduit le dirigeant fondateur Jean-Pierre Puthod, à lui refaire la même proposition, qu’il décide d’accepter.

Il y a travaillé durant 12 ans jusqu’au décès, là encore accidentel, du dirigeant en 1996. C’est ainsi qu’on lui a proposé de reprendre l’entreprise, en association avec un autre salarié.

Pascal avait certes la fibre entrepreneuriale (*) mais n’avait jamais envisagé la reprise d’entreprise. Notamment parce qu’il n’avait pas une grande expérience de management. Et aussi parce qu’il était inquiet de s’engager sur un tel montant d’investissement : reprendre une entreprise est en effet bien plus onéreux en général que de créer depuis le départ.

Enfin, beaucoup lui prédisaient des difficultés : il n’avait pas selon eux, l’entregent de l’ancien patron, et donc l’aptitude à maintenir la clientèle. Mais finalement, ces prophètes de malheur ont d’autant plus aiguisé sa motivation pour réussir.

(*) Etant jeune, il se voyait bien à la tête d’une entreprise, et aimait à dessiner des camions ou fourgons avec mon nom dessus, mais n’imaginait pas cette entreprise avec des salariés. Ses parents étaient eux-mêmes artisans, mais Pascal ne baignait pas dans un monde entrepreneurial, même s’il reconnaît des qualités dans ce domaine à son père (très curieux et ouvert) et son grand-père (qui était un innovateur).

En quoi ses modes de fonctionnement ont-ils été des atouts dans cette aventure ?

En premier, Pascal parle de sa capacité à oser. Il n’aime pas perdre, et considère le droit à l’erreur comme fondamental, et c’est ce qui l’a conduit à toujours oser : non seulement oser des innovations, mais aussi oser solliciter de nouveaux clients, toujours plus prestigieux.

En second, Pascal a un mode de management dans l’empowerment : il aime donner leur chance à ses collaborateurs, et ne pas les juger au premier regard. C’est d’autant plus vrai que le métier n’attire pas tant que cela, et que les candidats à ses postes n’ont souvent pas la bonne formation de base.

En troisième, son agilité mentale et sa vitesse de réactivité ont été des atouts pour créer le lien avec des clients de haut niveau, comme par exemple Mercedes Erra, Jean-Pascal Tricoire, ou Marc Veyrat. Il estime avoir su à la fois les écouter pour bien les connaître et les comprendre, mais aussi avoir su rester lui-même, sans chercher à les « courtiser », comme le font la plupart de ceux qui veulent les avoir comme clients, mais ce dont ces personnalités ont horreur.

Quand il a été sollicité la première fois par la commune de Val d’Isère il y a une trentaine d’années, il a aussi su oser exprimer ses avis et idées, au risque de ne pas plaire à son client. Aujourd’hui, presque 100% des arbres plantés à Val d’Isère sont issus de sa pépinière, et il estime que cette tactique a été gagnante sur le long terme.

Il estime aussi que son ancrage sur des valeurs humaines fortes l’ont aidé à choisir des clients cohérents avec lui, avec qui le courant passe bien et qui ont envie de faire appel à ses services. C’est aussi avec ces mêmes valeurs humaines qu’il a su selon lui obtenir le respect de toutes ses équipes, en particulier ses managers.

Bien sûr, sa capacité de vision et d’innovation ont aussi été essentielles à sa réussite, par exemple quand il a pris la décision d’arrêter l’usage des pesticides, alors que la loi n’était pas l’obligeait pas (décret d’application du certificat CertiPhyto).

Il a aussi fait confiance à ses intuitions, mais aussi aux conseils de bon sens de son père, et notamment :

  • Ne jamais regretter ses décisions ! Y penser avant, mais surtout plus après.
  • Et une fois les décisions prises, se centrer sur l’action, car la pensée peut être paralysante.

Oser demander de l’aide et se faire accompagner

En 2018 suite à son burn-out, Pascal décide de se faire accompagner : pour sa santé bien sûr, mais aussi et surtout pour adapter son attitude et ne plus revivre les difficultés rencontrées, qu’il n’a pas su voir venir. Il s’est mis au yoga, à l’ostéopathie, et il a réappris à respirer, à mieux dormir. Et il a appris à dire non, et estime que plus il a su dire non, plus il a eu de succès commercial !

Pascal a toujours eu le sentiment qu’il ne travaillait pas, mais que son travail était un jeu, c’est aussi cet état d’esprit qui lui a permis de réussir (même s’il ne sait pas ce que veut dire « réussir »).

Avec le recul, et suite à notre échange, Pascal estime qu’il aurait pu lui être encore plus utile de mettre des mots sur ses modes de fonctionnement, pour éviter ce burn-out, et savoir combiner à la fois l’expression de sa singularité et une interaction durablement performante avec les autres.

Il estime qu’il est donc fondamental, pour cet accompagnement, de faire appel aux bons experts, comme par exemple un coach spécialisé en multi-potentiels.

Pour aller plus loin

Participez à mon prochain webinaire gratuit sur le thème « HPI, multi-potentiels : comment [re]devenir un entrepreneur à succès ? » du mardi 23 septembre à 18h30.

Si vous cherchez à échanger avec d’autres personnes qui fonctionnent comme vous, et vous approprier vos modes de fonctionnement spécifiques pour en faire des atouts dans votre vie professionnelle, participez à ma formation-action « Masterclass HPI » :

Et pour ne rien perdre de mon actualité c’est ici.

Cyril Barbé

Quelques chiffres sur l’évolution de l’entreprise depuis que Pascal Bricier l’a reprise :

  • En 1999 : un métier de « planteur d’arbres » – CA de 1M€ – 15 salariés
  • En 2025 : un métier « d’aménageurs de jardins haut de gamme » – CA de 4 M€ – 35 salariés

Puthod est la pépinière la plus haute de France, avec 3 sites (sur 35 hectares) situés entre 750 et 1000 mètres d’altitude, et propose plus de 400 variétés de végétaux.

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