« Funky Claude », comme l’appelait affectueusement Deep Purple dans Smoke on the Water, ne se contentait pas de faire danser les foules. Claude Nobs, fondateur du Montreux Jazz Festival, est bien plus qu’un organisateur visionnaire.
Un homme aux mille vies, aux mille talents, qui a su transformer ses passions en ponts entre des mondes que tout oppose, en dépit des jugements et des résistances. Son festival a tant marqué son époque qu’il a sa propre statue à Montreux, aux côtés de stars comme Quincy Jones, Ella Fitzgerald ou Carlos Santana.
À l’heure où de nombreux HPI / multi-potentiels peinent à trouver leur place dans un monde trop normé, le parcours de Claude Nobs est un modèle d’audace, de créativité et de fidélité à soi-même. Comment peut-il vous inspirer pour que, vous aussi, vous puissiez déployer vos ailes au plan professionnel ? Découvrez-le dans cet article.
Un parcours atypique à l’image des HPI : curieux, transversal, audacieux
Rien, dans l’enfance de Claude Nobs, ne le prédestinait à révolutionner la scène musicale internationale. Né en 1936 à Territet, modeste bourg près de Montreux, il commence comme apprenti cuisinier à 17 ans, où il obtiendra le titre de meilleur apprenti de Suisse.
Il se formera à la finance et travaillera un temps dans la banque, avant d’être repéré par Raymond Jaussi, directeur de l’office du tourisme de Montreux, qui lui propose un poste de comptable. Mais Raymond détecte en lui un esprit très novateur et lui confie rapidement l’organisation d’événements pour la ville de Montreux. Ce poste convient très bien à Claude et son esprit bouillonnant, nourri par un amour profond pour la musique, la culture américaine, et les connexions humaines. Autant de domaines qu’il embrassera sans jamais choisir entre eux :
- Les langues : Claude apprend l’anglais tout seul pour mieux dialoguer avec les musiciens américains. Il devient rapidement l’interprète officieux des artistes de passage.
- Technologie : il se passionne pour l’électroacoustique, crée un petit studio chez lui et enregistre localement de jeunes talents.
- Tourisme : il développe aussi une expertise pointue en gestion touristique, en relations internationales et en diplomatie culturelle.
- Gastronomie : passionné de cuisine, il aime beaucoup préparer les repas pour les musiciens invités à son festival, et même aller jusqu’à leur servir lui-même.
- Les sports : adepte du ski nautique ou du ski de fond (c’est d’ailleurs en accident de ski qu’il disparait à l’âge de 76 ans)
Une énergie débordante, un croisement des cultures
En 1967, il lance le Montreux Jazz Festival avec trois bouts de ficelle, mais une énergie irrésistible. L’événement devient rapidement une référence mondiale, grâce à sa capacité à attirer aussi bien Miles Davis, Led Zeppelin, Nina Simone ou encore Prince.
Sa grande force et originalité réside dans le fait qu’il décloisonne tous les styles musicaux : jazz, rock, musique du monde, électro … Selon Claude, tous ces mondes peuvent dialoguer, pourvu que la qualité soit au rendez-vous.
L’incompréhension et le rejet : un parcours semé d’embûches
Comme beaucoup de multi-potentiels, Claude Nobs ne rentrait dans aucune case. Ni manager pur, ni artiste, ni fonctionnaire, ni entrepreneur classique : il était un peu tout cela à la fois. Ce flou identitaire lui a valu de nombreuses résistances.
- Des débuts raillés par l’administration locale : à ses débuts, Nobs doit se battre pour faire reconnaître la légitimité culturelle et économique du festival. On le prend pour un doux rêveur.
- Les critiques des puristes : certains jazzmen traditionnels lui reprochent d’ouvrir Montreux à des genres « impurs ». Pourtant, c’est précisément cette ouverture qui fera l’énorme succès du festival.
- Le mépris de certains partenaires commerciaux : Claude refuse les concessions sur l’exigence artistique. Plusieurs sponsors tentent d’imposer leurs choix : il résiste, préférant perdre un financement que diluer sa vision. Là encore, c’est sa persévérance dans la vision qui a forgé la notoriété du festival.
- Une vitesse hors normes : Claude filait à toute allure dans tout ce qu’il faisait, ski nautique, scooter pour passer d’un lieu à un autre, décider vite … Au point parfois de paraître pour un manager difficile à vivre, car il avait aussi des convictions bien arrêtées.
- Un idéaliste inarrêtable : on l’appelait aussi « Claude rien n’est impossible » car selon lui, rien ne pouvait l’arrêter.
Une combinaison entre vision long terme et gestion de l’urgence
- Vision long terme : il a très tôt compris qu’il vivait une révolution artistique, et qu’il était crucial de conserver une trace de cette histoire en la fixant sur pellicule. Il a ainsi constitué un véritable trésor d’archives musicales. Cette vision que la musique était aussi faite d’images est aujourd’hui une évidence, mais elle était ultra avant-gardiste dans les années 60.
- Gestion de l’urgence : le 4 décembre 1971, un brutal incendie (*) détruit accidentellement le casino de Montreux lors d’un concert des Mothers of Invention. Claude s’est comporté en héros, en allant secourir des jeunes piégés au pied de la scène, en coordonnant les secours et en organisant toute l’évacuation.
(*) cet incendie a d’ailleurs inspiré le groupe Led Zeppelin dans son célèbre morceau Smoke on the Water
Cette combinaison entre des polarités qui semblent totalement opposées est une des caractéristiques typiques des multi-potentiels.
Ce que Claude Nobs nous enseigne : audace, transversalité et passion
- Une cohérence dans une apparente dispersion : il ne se contente pas de faire beaucoup de choses, il les relie. Il incarne cette capacité à créer des ponts entre des univers a priori éloignés, et de tirer du chaos une forme d’harmonie.
- Une force de conviction bien que totalement incompris : il ne s’oppose jamais frontalement : il déjoue, s’adapte, contourne, transforme les résistances en levier. Il utilise son réseau (il était très apprécié de nombreux artistes), sa force de persuasion, son humour légendaire et surtout, il fait confiance à ses intuitions.
- L’intuition couplée à l’action : Claude sent très tôt les artistes qui vont marquer l’époque. Il invite un David Bowie méconnu, un Prince à ses débuts, fait venir Weather Report avant qu’ils n’explosent. Il écoute son instinct et agit vite.
- L’hyper-adaptabilité : entre artistes capricieux, logistique complexe et négociations diplomatiques, il fait preuve d’une agilité mentale impressionnante. Il pense en arborescence, anticipe les problèmes, improvise des solutions créatives.
- L’empathie comme vecteur de lien : il ouvre sa maison à de nombreux artistes, leur cuisine des fondues, les accueille comme des amis. Cette générosité humaine, loin du « tout-business », crée une atmosphère unique à Montreux, et sera une des clés de son succès.
En synthèse : Claude Nobs, un héros discret des profils atypiques
Le parcours de Claude Nobs fait profondément écho à celui de nombreuses personnes HPI ou multi-potentielles : une pensée complexe, un besoin vital de créer, une hypersensibilité, parfois dissimulée sous l’humour, une difficulté à être compris, mais une persévérance indéfectible.
Il a su faire de toutes ces différences de véritables atouts. Pour autant, il n’a jamais revendiqué une quelconque étiquette, et n’était pas adepte de la gloire, bien qu’étant ami avec de très nombreuses stars. Il nous rappelle ainsi que le génie n’est pas toujours spectaculaire : il peut se loger dans un regard, un geste d’accueil, une vision audacieuse, ou une fidélité à ses valeurs.
Claude Nobs n’était pas « dans la norme », mais il l’a déplacée. Comment son exemple peut vous inspirer, vous aussi, à contribuer à déplacer cette norme pour, non seulement être pleinement épanoui au plan professionnel, mais encore contribuer à créer un monde plus juste et plus performant ?
Pour aller plus loin
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Si vous cherchez à échanger avec d’autres personnes qui fonctionnent comme vous, et vous approprier vos modes de fonctionnement spécifiques pour en faire des atouts dans votre vie professionnelle, participez à ma formation-action « Masterclass HPI » :
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Cyril Barbé
NB : lors de la 59ème édition du Montreux-Jazz-Festival, j’ai eu la chance d’assister vendredi 4 juillet dernier au concert « Chaka Khan & friends » , un [nouvel] hommage à la musique et à l’incroyable talent de Quincy Jones, avec la participation de 6 autres artistes : Siedah Garrett, Lalah Hathaway, Rahsaan Patterson, Mica Paris, Jan SEVEN Dettwyler, et Marc Sway. Un grand moment !