Le sentiment d’imposture est une réalité bien connue des HPI / multipotentiels. Malgré leurs formidables capacités pour apprendre vite, et s’adapter à un grand nombre de domaines, malgré leurs grandes réussites, leurs intuitions souvent pertinentes, nombre d’entre eux vivent avec cette sensation persistante de ne jamais être à la hauteur, de tromper leur entourage, et d’être en permanence sur le point d’être « démasqués ».
C’est un sentiment très parallèle au manque d’estime de soi, sujet que j’explore dans cet autre article.
D’où vient ce ressenti si courant ? Quelles en sont les conséquences dans leur carrière professionnelle, et leur vie personnelle ? Comment sortir de ce mécanisme délétère ? Découvrez-le dans cet article.
Quelles sont les causes du sentiment d’imposture chez les HPI ?
La subtilité est qu’il n’y a pas une seule cause, mais plusieurs facteurs qui s’additionnent et se combinent entre eux.
Un [très] haut niveau d’exigence
Les HPI ont un haut niveau d’exigence, dont d’ailleurs ils n’ont pas conscience : selon eux, cette exigence est tout à fait normale, même quand ils constatent un écart avec le niveau d’exigence des autres. Résultat, ils se mettent souvent en situation de ne pas atteindre leurs résultats, ce qu’ils perçoivent comme autant d’échecs, et ils en déduisent qu’ils ne sont pas très doués.
De plus, être identifié comme HPI entraîne souvent des attentes extérieures élevées. L’entourage, les collègues ou même les proches, peuvent supposer qu’une telle personne réussit tout avec facilité. Cette pression implicite d’ajoute à leur haut niveau d’exigence, et peut renforcer le sentiment d’imposture, car toute difficulté, tout échec, tout moment de flottement est perçu comme une preuve qu’ils ne sont pas aussi « doués » qu’on le croit.
Un regard sous le prisme d’un biais cognitif de négativité
Dans la continuité de leur haut niveau d’exigence, les HPI ont une tendance naturelle à porter plus d’attention aux points à améliorer qu’aux choses qui fonctionnent. Et en particulier en ce qui les concerne personnellement. On peut parler dans leur cas d’un biais cognitif de négativité surdéveloppé.
Là où d’autres perçoivent une réussite, eux voient des lacunes, des imperfections, voire des hasards chanceux. En fait, ils ont tendance à s’attribuer 100% de responsabilités dans leurs échecs, et à considérer que leurs réussites sont dues à l’aide des autres ou à la chance. Cette « lucidité » exacerbée nourrit un doute constant sur leur propre légitimité.
Des difficultés à entendre et accepter les signes de reconnaissance
Dans la continuité, les HPI ont du mal à entendre les signaux de reconnaissance qu’on leur donne. Et quand ils les entendent, ils ont du mal à les accepter, considérant qu’ils ne les méritent pas. Et pourtant, leur haute sensibilité fait qu’ils ont besoin, encore plus que les autres, de ces signes de reconnaissance. Ainsi, ils entretiennent la pensée qu’ils ne valent pas grand-chose.
Ils estiment souvent qu’ils ne mériteront la reconnaissance que lorsqu’ils auront atteint un niveau d’excellence absolu, en réalité inaccessible. Or, cette quête du « toujours mieux » devient un cercle vicieux qui les empêche d’apprécier leur propre valeur.
Une incompréhension voire un rejet de leur entourage
Que ce soit en contexte professionnel, mais aussi en contexte personnel et même familial, les HPI vivent très souvent l’incompréhension, le rejet, voire la moquerie des autres, car ils sont très différents de la norme, et n’en ont pas conscience. A moins d’avoir bénéficié d’un entourage personnel très ouvert à cette différence et très bienveillant, sa perception de lui-même est donc négativement biaisée.
Quand ce rejet est vécu dès leur plus jeune âge, il est encore plus difficile de prendre conscience de son impact, et de s’en défaire.
Une intelligence en arborescence qui sème le doute
Les HPI / multi-potentiels se distinguent par une pensée foisonnante, rapide et multidirectionnelle (*). Cette capacité leur permet d’appréhender des sujets complexes, de connecter des idées éloignées, et d’exceller dans un grand nombre de domaines. Toutefois, cette richesse intellectuelle s’accompagne souvent d’une hyper-conscience de leurs limites et d’une remise en question permanente.
Contrairement aux personnes qui évoluent dans un cadre plus linéaire, ces profils ont une vision globale, qui leur donne conscience de tout ce qu’ils ne savent pas encore, à l’image de Socrate qui disait « la seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien ».
(*) Je précise ici que la pensée dite « arborescente » est présente chez tous les êtres humains, mais particulièrement marquée et visible chez les HPI.
Une poly-expertise difficilement reconnue
De plus, la diversité de leurs intérêts et de leurs talents les pousse à explorer de nombreux domaines, leur donnant le sentiment de n’être spécialisés dans aucun. Dans une société valorisant l’expertise et la stabilité, cette dispersion peut leur donner l’impression de ne jamais être « assez » compétents dans un domaine précis, alimentant ainsi leur malaise.
En réalité, ce sont de véritables poly-experts, mais cette notion est difficilement imaginable et acceptable dans l’inconscient collectif.
Les conséquences du sentiment d’imposture
Je distinguerai ici 2 situations, celle des salariés et celle des entrepreneurs.
Pour ce qui est des salariés, les conséquences sont les suivantes :
- Difficultés à se vendre, que ce soit en recrutement ou une fois intégré dans leur emploi, et donc, difficultés à obtenir des postes et des missions qui leur conviennent, considérant leur haut besoin de variété, de complexité, et de liberté dans le travail
- Difficultés à assumer des responsabilités nouvelles, même quand ils sont intimement convaincus d’être capables de les assumer, et donc cela peut donner le sentiment à leur entourage qu’ils ne sont pas crédibles. Dans un poste de management, cela peut être très handicapant.
- Difficultés à oser exprimer leurs besoins (de peur d’être « démasqués » comme imposteurs), et la conséquence est une frustration permanente et à terme un sentiment de colère incompréhensible
Dans le cas des entrepreneurs, les conséquences sont les suivantes :
- Difficultés à se vendre, considérant qu’ils n’ont pas de valeur personnelle (ce qui n’est pas le cas pour un commercial salarié, qui vend les services de son entreprise, et donc qui n’a pas à se mettre en avant)
- Difficultés à croire dans leur projet, dans leur produit ou service, qui plus est car il est souvent avant-gardiste, et qu’il rencontre beaucoup de scepticisme autour de lui
Dans les deux cas, les conséquences in fine sont de deux ordres :
- Un manque de reconnaissance financière : certes ils ne courent pas après l’argent, ce n’est pas leur but principal dans la vie, mais cette faible reconnaissance financière est interprétée comme une confirmation qu’ils ne sont pas doués.
- Une perte d’estime de soi, dans une logique de cercle vicieux, et ceci aliment leurs émotions négatives, en particulier la colère.
- Un sentiment de frustration récurrent, et donc des émotions négatives en particulier la colère.
J’ajoute que les mêmes conséquences peuvent exister en contexte personnel et familial, ce qui renforce encore les difficultés du HPI à se sortir de ce piège.
Sortir du piège du sentiment d’imposture
La première étape consiste à prendre conscience de ce phénomène et à comprendre qu’il est fréquent, notamment chez les profils atypiques. Cette prise de conscience doit concerner tous les points évoqués ci-dessus (haut niveau d’exigence, biais cognitif de négativité …). Elle ne peut se faire seul, tant ces mécanismes sont anciens et inconscients. Il est donc essentiel d’en parler avec d’autres personnes, des professionnels du coaching ou d’autres HPI, pour mettre des mots sur leur malaise et prendre du recul et relativiser.
La seconde étape consiste à assumer pleinement sa différence : comme je le disais en introduction, travailler sur ce sentiment d’imposture ne peut se faire sans travailler son estime de soi, ce qui passe par le fait d’apprendre à s’accepter pleinement, et de se détacher du regard des autres. Là encore, ce travail ne peut se faire seul car le HPI est en permanence en jugement du style « mais qui es-tu pour te prendre pour quelqu’un de bien ? »
Cela peut passer par notamment :
- Le fait de revisiter certaines paroles entendues dans son histoire, pour y porter un regard plus objectif et donc positif.
- Le fait de prendre du recul sur ses réussites, pour mieux en reconnaître le rôle de ses aptitudes et de ses efforts, et relativiser le rôle de la chance et des circonstances extérieures.
- Prendre conscience que la perfection que l’on vise n’est pas de ce monde, et que les échecs sont naturels dans le processus d’apprentissage (ils en sont même constitutifs)
- Renforcer sa bienveillance envers soi-même : apprendre à se féliciter, et à mieux accepter les signes de reconnaissance.
Enfin, cela suppose également de travailler en parallèle ses émotions, car celles-ci ont un rôle très important dans l’estime de soi, et que les émotions vécues par les HPI sont à la fois plus fréquentes, plus fortes, et plus négatives que pour la norme.
Se faire accompagner dans ce domaine suppose de faire appel à un expert, dans le coaching, ais aussi dans le HPI.
Pour aller plus loin
Participez à mon prochain webinaire gratuit sur le thème « HPI, multi-potentiels : comment [re]devenir un entrepreneur à succès ? » du mardi 13 mai à 18h30.
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Cyril Barbé