J’entends très souvent mes interlocuteurs HPI ou multi-potentiels me dire « je vis sans arrêt la même situation professionnelle », et en particulier le fait de se retrouver dans une mission très difficile, entourés de personnes qui ne leur conviennent pas, qui ne les comprennent pas, pour certains toxiques, voire manipulatrices.
Pourtant, ceux-ci ont comme atout d’avoir des antennes particulièrement développées, une sensibilité aux personnes non sincères, ou en opposition avec leurs valeurs. Et ils sont aussi très exigeants, ce qui devrait les aider dans leur capacité à faire le tri dans leur entourage direct dès le départ.
Comment se retrouvent-ils dans ce genre de situation ? Comment peuvent-ils faire fi des informations qu’ils captent au départ ? Pour quelles raisons ce schéma délétère tend-il à se répéter ? Et surtout, comment en sortir ? La suite dans cet article.
L’enthousiasme aveugle des HPI
Une des raisons pour lesquelles les HPI se retrouvent facilement dans des situations qui ne leur conviennent pas, est ce que j’appelle l’enthousiasme aveugle. Comme ils vivent tout à 200%, ils ont une forme d’engouement naturel au départ, à l’image de la passion amoureuse, celle qui rend aveugle des défauts de l’être aimé. Cette tendance à être aveuglé par ce qui nous plait est un biais cognitif nommé biais de confirmation.
Et comme les HPI sont aussi, en général, de grands sensibles, leurs décisions peuvent être prises sous le coup de l’affect et de leurs émotions, ce qui, comme on le sait, n’est pas toujours corrélé avec rationalité.
Un de mes interlocuteurs me disait qu’une de ses missions s’était passée dans une entreprise fonctionnant à l’ancienne, en silos très distincts, là où lui aime la transversalité et la communication inter-services. Comment a-t-il pu ne pas s’en rendre compte durant le processus de recrutement ? Probablement parce qu’il regardait d’abord ce qui l’attirait par ailleurs dans cette entreprise, et dans ce job.
Et d’une certaine façon, les HPI ayant sans doute conscience que leurs exigences sont si hautes qu’il leur est difficile de trouver l’emploi idéal, ils ont donc tendance à le voir un peu partout : c’est ce qu’on appelle le biais cognitif d’observation, cette tendance à voir partout ce que l’on cherche.
On le voit bien, malgré leur agilité mentale élevée, les HPI ne sont pas à l’abris des biais cognitifs.
La tendance à aller [trop] vite
Les HPI vont plus vite que la moyenne, plus vite pour apprendre, pour comprendre, pour interpréter, pour décider et parfois pour agir. Le problème de cette vitesse est qu’elle peut leur jouer des tours.
Combien de fois me suis-je surpris, par exemple, lors d’achats importants, à m’engager très vite, au prétexte que j’avais déjà pris pas mal de temps pour prendre ma décision, et que celle-ci ne devait plus souffrir de délai ?
Au sujet de cette vitesse, mon hypothèse est que les HPI vivent sans cesse une forme de frustration –ne pas atteindre le haut niveau qu’ils visent, ne pas être compris, ne pas être reconnu … – et cette frustration renforce le sentiment d’urgence, la peur de perdre du temps précieux pour s’accomplir pleinement dans la vie, et alimente encore plus ce besoin de vitesse.
Or, même s’ils font beaucoup de choses vite et bien, les HPI sont aussi capables, parfois, de faire des erreurs du fait de cette vitesse.
L’attrait pour le challenge
Les HPI sont très attirés par les défis, les challenges, les missions complexes. Et ayant échangé avec plus de mille HPI dans ma carrière de coach, j’ai réalisé que cette dimension joue un rôle clé dans leur choix d’entreprise et de mission : il leur faut un job suffisamment difficile pour qu’il soit attrayant.
Problème : cette difficulté est parfois placée au mauvais endroit. C’est le cas particulièrement quand les relations humaines en interne sont difficiles, ou quand il existe des guerres entre services. Ils se disent alors que leur empathie naturelle va leur permettre de tout changer, mais déchantent assez vite de leurs espoirs en la matière.
D’une certaine façon, ils ne sont pas doués pour tous types de challenges, à moins bien sûr d’avoir déjà travaillé sur soi-même, et aussi de savoir s’entourer des bonnes personnes, sur lesquelles ils peuvent solidement compter pour les appuyer dans leurs démarches.
Comment sortir de ces schémas répétitifs ?
Le plus étonnant dans ce problème est le côté répétitif. Un HPI a pour habitude d’observer en permanence ce qui se passe pour lui, et de chercher à adapter ses décisions et actions en fonction pour améliorer les résultats obtenus dans une boucle permanente de progrès. Pour quelles raisons cette boucle de progrès ne fonctionne-t-elle pas dans ce cas ?
La raison principale en est que le diagnostic de départ est erroné : ils pensent ne pas être différents des autres malgré tous les signes contraires qu’ils perçoivent. Depuis très jeunes, ils ont tellement été dans la sur-adaptation aux autres, pour être acceptés et intégrés, qu’ils finissent par penser qu’ils sont réellement comme les autres.
Pour sortir de ces schémas répétitifs, de relations toxiques avec certaines personnes, le paradoxe est qu’ils doivent d’abord et prioritairement effectuer un travail sur eux-mêmes. Il s’agit notamment :
- De prendre conscience de ses modes de fonctionnement spécifiques,
- De bien mesurer à quel point ces modes de fonctionnement sont différents de ceux des autres
- De prendre conscience des impacts dans diverses situations de la combinaison entre eux de ces modes de fonctionnement
- De les accepter et les assumer pleinement, et ne plus être dans l’adaptation aux autres
- De travailler son estime de soi, et ses émotions.
Cyril Barbé