Des clés de la réussite de projets complexes dans l’aéronautique, l’automobile, et le nucléaire.

Article basé sur l’expérience de Mikaël Williams, expert en projets complexes.

Dans cet article, vous découvrirez :

  • Quels sont les points communs entre tous les projets complexes, quels que soient le domaine d’activité concerné, la nature du projet, et la source de complexité.

Comment constituer une équipe projet performante, basée sur des talents spécifiques, pour réussir vos projets complexes

Comment identifier en interne ces talents spécifiques, qui sont peu nombreux et peu visibles

  • Pourquoi il est si important de faire confiance à ses intuitions, quand on est un chef de projet, ou un équipier, ayant cette sensibilité à la complexité

Une grande communauté de clés de la complexité entre des domaines très différents

Mikael Williams a conduit des projets complexes extrêmement divers (cf plus bas). Tous ces projets ont comme point commun de comporter un grand nombre d’éléments techniques, humains, organisationnels, financiers, chacun avec ses propres règles du jeu, et tous en interdépendance. Il y a donc nécessité dans tous les cas d’alterner en permanence entre décortication en éléments simples, vision globale, et prise en compte des interconnections entre ces éléments.

Mais surtout, la communication est un point central dans la réussite des projets complexes. Mikaël estime en effet que, la plupart du temps, il a disposé de suffisamment de compétences techniques en interne pour concevoir et mettre en œuvre les solutions, mais qu’il existe d’énormes différences de langages et de cultures entre les différents équipiers.

J’ai constaté pour ma part que, dans toutes les équipes, certains collaborateurs, plutôt très peu nombreux, ont une aptitude naturelle à comprendre et saisir les subtilités de la complexité, tandis que la majorité des autres sont plus ou moins à l’aise avec. Ceci a 2 conséquences :

–         Il y a nécessité absolue de communiquer différemment selon les niveaux d’aisance de chacun avec la complexité, pour bien se faire comprendre

–         Il y a nécessité à ne pas tout dire, tout le temps, à tout le monde, pour éviter des réactions inappropriées, de peur, de déstabilisation, ou de questionnement intempestif

Par ailleurs, la complexité induit instabilité, incertitude et changements permanents, et nécessite des cycles d’essais-erreurs parfois très longs. Et donc la réussite des projets complexes repose sur le développement de l’intelligence collective et l’agilité de chacun.

Comment constituer une équipe de projet complexe performante

Selon Mikaël, l’expertise technique seule, aussi pointue soit-elle, ne suffit pas dans un projet complexe. Plus précisément, il estime qu’il est essentiel de savoir identifier le niveau de prise de recul de chaque expert du projet, par rapport à sa propre expertise. Concrètement, il s’agit de savoir se placer à un niveau plus transverse, d’être capable de remettre en cause ses certitudes, pourtant si précieuses la plupart du temps, ou encore de créer des liens avec des collègues éloignés de soi, et penser en dehors du cadre.

Tout ceci dans le but de sélectionner les plus à l’aise avec la complexité pour contribuer activement aux noyaux durs de gestion de ces projets. Et pour les moins à l’aise, il s’agit de les accompagner pour les faire progresser dans cette direction, voire de doubler ces experts d’un binôme bien choisi, plus à l’aise avec la complexité.

Seulement, ces talents de la complexité sont très peu nombreux : dans son poste actuel, Mikaël estime que sur un effectif projet de 200 personnes (dont une vingtaine de consultants externes), un maximum de 5 disposent de cette aptitude à percevoir toute la complexité.

En quoi consistent concrètement ces talents ? La complexité nous place en continu face à des paradoxes ou des antagonismes. Il s’agit donc de savoir basculer, de façon agile et pertinente, entre ces antagonismes : long terme et court terme, analyse et synthèse, vision de détail et vision globale, rationnel et intuitif, décortiquer en éléments simples ou prendre en compte les interactions, etc …

Comment identifier en interne ces talents spécifiques ?

En plus d’être peu nombreux, la difficulté est que ces talents de la complexité sont peu visibles et ne sont pas souvent ceux que l’on croit. Au contraire, ce sont souvent des personnes humbles, qui évitent le pouvoir, et ne pensent pas disposer d’un talent spécifique en la matière. Voilà pourquoi il n’est pas si simple de les identifier. Je cite Mikaël : « certains juniors dans des fonctions subalternes sont parfois bien plus capables dans [la complexité] que nombre de directeurs membres d’un Comex ».

S’il est si crucial d’identifier ces talents en interne, la question est : comment s’y prendre ? Il est possible de capter l’existence de ces talents dès le premier contact avec la personne, en les questionnant sur leurs capacités :

  • A poser spontanément des questions sur le projet, à y porter un regard neuf
  • A regarder dans un grand nombre de directions différentes, à ouvrir le champ des possibles
  • De vision à 360° sur le projet en lui-même, bien au-delà de leurs attributions formelles
  • A « zoomer » et « dézoomer » de leur sujet, à alterner entre vision de détail et vision globale.
  • A alterner entre réflexion à long terme et action à court terme

Capter cette aptitude à naviguer dans les antagonismes peut ainsi se faire simplement, par échange oral, mais suppose de disposer aussi soi-même de cette aptitude, et d’une certaine expérience en la matière.

Pourquoi il est si important de faire confiance à ses intuitions ?

Bien souvent, l’intuition semble antinomique avec la rationalité, malgré de plus en plus d’écrits scientifiques semblant démontrer le contraire. Mikaël affirme que, dans grand nombre de situations difficiles, c’est son intuition qui lui a permis de trouver la voie. Problème : comment faire soi-même confiance à ses intuitions, comment communiquer sur ces intuitions, et convaincre de leur pertinence, sans forcément disposer d’arguments objectifs, et sans paraître pour un irrationnel ?

J’affirme pour ma part que les intuitions venant des talents de la complexité ne viennent pas par hasard, et qu’elles ont très souvent une part de pertinence. Bien sûr, les experts, tels que Gary Klein, ont montré qu’il fallait certains critères pour y faire confiance : un environnement suffisamment régulier pour être prévisible, la possibilité d’apprendre de ces régularités grâce à une pratique durable, et l’existence de feedbacks rapides et clairs.

Or les talents de la complexité ont à la fois cette capacité spécifique à observer, à capter un grand nombre d’informations, et à apprendre rapidement, tout en étant humbles, ce qui les met plus à l’abri du biais cognitif de confirmation. Mais parallèlement ceux-ci ont tendance à sous-considérer la pertinence de leurs avis, de leurs idées, et donc de leurs intuitions, alors même qu’elles constituent souvent une clé pour surmonter des obstacles complexes. Voilà pourquoi il est si important de les faire s’exprimer sans filtres et d’en tenir compte.

Faire confiance à son intuition est une première étape. Convaincre son équipe de s’en inspirer en est une autre, plus difficile encore. Dans ce genre de situation, il faut d’abord partager cette intuition, auprès de ceux les plus ouverts à la complexité, pour en valider la teneur et la façon de communiquer dessus. Puis il faut élargir cette communication par cercles concentriques, en s’inspirant des conclusions des échanges réalisés précédemment.

Un accompagnement indispensable à la complexité

Bien sûr, toutes ces étapes – constituer une équipe performante en projets complexes, identifier les talents de la complexité, savoir adapter sa communication, et prendre en compte ses intuitionsne se font pas au hasard, et il est donc fondamental de se faire accompagner dans ce domaine.

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Remerciements

Merci à Mikaël Williams pour ces précieuses informations. Il est ingénieur des Mines de Paris, et dispose de plus de 20 ans d’expériences comme chef de projets complexes, dans les domaines de l’aéronautique, l’automobile, et le nucléaire.

Chez SNECMA, il a mis en place en Chine des ateliers industriels de nettoyage et de contrôle non destructif de pièces pour les moteurs d’avions CFM56. Puis il a été en charge d’assurer le cycle de maintenance de ces moteurs.

Chez Renault Truck puis Volvo Trucks, en Chine puis en Asie (Inde, Japon), il a établi ou intégré au sein du groupe, des Joint-Ventures de fabrication de camions sous licence, mis en place une activité de business intelligence opérationnelle pour identifier les potentiels de coopération et développements (Chine, Russie, Inde, Indonésie), et été chef de projet en charge du développement d’un nouveau groupe motopropulseur pour une nouvelle ligne de camions pour les marchés asiatiques.

Dans le domaine nucléaire enfin, il a conçu et réalisé des systèmes de contrôle-commande de centrales électriques de puissance dans des contextes techniques et organisationnels complexes, et lancé le développement d’une nouvelle technologie avec des objectifs radicaux de réduction de taille et de coûts.

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