Je ne prétends jamais, que ce soit lors de mes formations, mes conférences, ou dans mes articles, être un champion du positif, au contraire, je crois qu’il existe autour de moi de nombreuses personnes plus durablement positives que moi.
Mais une chose est sûre, je suis convaincu du pouvoir du positif sur notre réussite, qu’elle soit individuelle ou collective. C’est ce qui nous permet de garder toujours un espoir de nous en sortir, même dans les plus grandes difficultés. C’est ce qui nous permet ensuite de garder le cerveau pleinement performant, car non pollué par des émotions ou projections négatives : cela implique plus de créativité et d’idées d’alternatives, plus de capacité à identifier des opportunités dans un océan de mauvaises nouvelles, et enfin plus de capacité à saisir et mettre en oeuvre ces opportunités.
Espoir, optimisme, résilience, toutes ces qualités se complètent et interfèrent entre elles, et contribuent à la fois à notre mieux-être et à notre performance, c’est ce que nous a confirmé la récente recherche en la matière.
D’ailleurs, lorsque nous voyageons dans des pays en développement, nous sommes tous frappés par l’esprit positif de ces habitants qui, pourtant, manquent de tout confort décent tel que nous le concevons : comme si leur esprit positif (spontané) était la clé pour leur permettre de supporter la dureté de leur vie, et toujours croire en un avenir meilleur.
Mais pourquoi aurait-on spécialement besoin de « cure de positif » à notre époque, alors que les êtres humains ont surmonté tant d’obstacles durant des centaines de milliers d’années ? Et n’y aurait-il pas une utilité d’un regard plus négatif ? Pourquoi la nature nous aurait-elle doté de cette capacité à critiquer négativement s’il n’y avait pas d’intérêt ?
Le biais de négativité
Cette tendance à nous faire voir le verre à moitié vide, plus souvent que l’inverse, est un biais cognitif, une sorte de tromperie du cerveau, qui nous fait porter une attention prioritaire sur tous les dangers. Et par extension il nous fait porter une attention sur tout ce qui est négatif, avec une tendance à l’exagération du phénomène, au point parfois de nous faire totalement occulter le reste, les points positifs ou les réussites.
Comme pour tous les biais cognitifs, celui-ci provient en partie du rythme d’évolution du cerveau, qui n’est pas du tout celui de notre société. Le biais de négativité avait une utilité et un sens à l’époque où notre intégrité physique était régulièrement en jeu, du fait des animaux sauvages ou simplement du fait du manque de nourriture.
Aujourd’hui ces 2 dangers n’existent quasiment plus dans notre société moderne, mais notre cerveau a conservé ce mode de fonctionnement ancestral. Certaines personnes ont évolué plus vite que d’autres et ont cette capacité naturelle à porter leur attention sur le positif, mais ce n’est pas la majorité, il n’y a qu’à voir le taux de mauvaises nouvelles dans les média. Ces derniers, qui prennent de plus en plus de place dans notre vie, ont d’ailleurs un rôle d’amplificateur de notre biais négatif.
La bonne nouvelle est que, même si notre cerveau évolue très lentement, nous pouvons apprendre de nouveaux comportements qui vont compenser ce biais de négativité, et ce dans des délais relativement courts.
Des impacts sur de nombreux aspects à long terme
Les impacts de ce biais négatif dans le contexte professionnel sont à prendre très au sérieux : ils touchent durablement la performance individuelle et collective.
Plusieurs chefs d’entreprise me témoignaient récemment que, un simple retournement de conjoncture, même passager, avait entraîné des changements radicaux dans les comportements de leurs collaborateurs : ils devenaient plus négatifs dans leur attitude, plus pessimistes sur leurs capacité à réaliser les missions et atteindre leurs objectifs, mais aussi et surtout plus négatifs entre eux. Ce qui, en plus de l’effet contaminant de cet esprit négatif au sein des équipes, a pour conséquence de dégrader les relations interpersonnelles, et donc de saper l’intelligence collective.
Cet effet doit être surveillé de près, car il faut beaucoup plus de temps pour contaminer – le terme est à la mode en ce moment ! – le positif que le négatif, toujours du fait de notre biais cognitif.
Quid de l’effet positif d’un esprit négatif ?
D’aucuns me diront que le pessimisme peut aussi avoir son utilité, ils auront tout à fait raison ! Il ne s’agit en aucun cas de tomber dans un optimisme béat et inconscient des dangers. Se protéger contre le Covid-19 par quelques mesures simples d’hygiène ne veut pas dire pour autant que l’on pense être soi-même contaminé, et tomber malade. Les pessimistes ont toute leur pertinence pour identifier les risques et les anticiper.
Mais toujours du fait de notre biais de négativité, les événements négatifs sont mieux enregistrés dans notre mémoire que les positifs. De ce fait, le ratio idéal entre événements positifs et événements négatifs, pour rester en parfaite possession de ses moyens, physiques, psychologiques, et donc cérébraux, est de l’ordre de 3 pour 1 : 3 positifs pour 1 négatif. Plus généralement il nous faut environ 3 émotions positives pour compenser 1 émotion négative. Dans la réalité ce ratio vécu est bien plus souvent inversé.
Il ne s’agit donc en aucun cas de juger notre esprit critique négatif, ou de mettre aux oubliettes les événements négatifs, juste de les remettre à leur juste place.
Comment développer son esprit positif ?
- La première chose à faire est de repérer cette tendance au négativisme, démasquer en quelque sorte notre biais négatif : prendre conscience du problème constitue déjà 80% du chemin vers la solution.
- Deuxième moyen, savoir détourner son attention par quelque chose de positif : raconter une histoire drôle, faire une grimace, se remémorer un moment heureux récent, tout est bon pour éviter d’entretenir le cercle vicieux du biais négatif.
- Du reste ces moments positifs, il faut savoir les savourer en pleine conscience, de façon à en capter toute la force, et les faire durer plus longtemps.
- Ensuite il s’agit de croire que vous pouvez changer les choses : je vous ai dit que devenir plus positif ça s’apprend, à condition d’en avoir envie et de croire que l’on peut encore apprendre à tout âge.
- S’entraîner, encore et encore : comme tout apprentissage, c’est la répétition qui est efficace et permet de l’ancrer comme un nouveau comportement.
- Vous pouvez aussi écrire un journal de gratitude, qui recense toutes les bonnes choses qui vous sont arrivées au cours de la journée, de la semaine, du mois … Un peu à l’instar des 3 kifs par jour de Florence Servan-Schreiber.
- Quand vous êtes envahis de pensées négatives : pour chacune d’entre-elles, posez-vous la question si cette pensée n’exagère pas les faits ? Quels éléments factuels peuvent constituer des preuves que tout n’est pas si négatif dans cet événement ? Par exemple, certes ma collègue ne m’a pas salué avant de me demandé un service aujourd’hui, mais elle l’a fait tous les autres jours.
- Pratiquer la pleine conscience : cette activité issue de la méditation qui consiste à porter son attention volontaire sur le ici et maintenant, a des effets scientifiques reconnus sur l’esprit positif.
- Etre patient : il semble que le biais de négativité s’atténue avec l’âge, effets de la sagesse ou de la dégradation cognitive ? A vous de juger selon votre état d’esprit !
Cyril Barbé