Dirigeants : où sont les talents indispensables à la réussite de vos projets complexes ?

Quatrième opus de ma série sur ce thème, cet article s’adresse plus particulièrement aux dirigeants et managers qui initient, conduisent des projets complexes et ambitieux, et qui rencontrent des difficultés pour trouver les talents adaptés à ces challenges, que ce soit en interne ou en externe, et qui s’interrogent sur comment permettre à ces talents de pleinement s’épanouir et réussir dans leurs projets.

Combien de projets connaissez-vous, pour vous-même ou pour d’autres, dont les délais et les coûts ont explosé, et parfois d’échecs, d’abandons, de retours en arrière aux anciennes solutions ? Et quand ils finissent par aboutir, quelles conséquences en termes de stress vécu par un grand nombre de collaborateurs, et de surcharge de travail à l’issue ? A titre d’exemple, une étude annuelle du Standish Group aux USA concernant l’industrie du développement logiciel a montré que 83% des projets informatiques échouent. Ces statistiques ne sont guère meilleures dans les autres domaines économiques.

Autant on sait assez facilement identifier les compétences techniques nécessaires (ce qui ne veut pas dire qu’elles sont faciles à trouver), autant il est plus difficile de qualifier, et donc d’identifier les compétences humaines capables de mener à bien des projets complexes.

En effet, un projet est complexe quand il y a existence d’interactions entre un grand nombre d’éléments, techniques, humains, ou organisationnels, chacun ayant ses propres règles du jeu. Et dans une société mondialisée et interconnectée, vous êtes logiquement de plus en plus confrontés à des projets complexes. Pour conduire et contribuer à ces projets, il vous faut donc des personnes capables d’évoluer dans la complexité, de la gérer sans s’y noyer, et de la rendre digeste sans la sursimplifier, entre autres.

Plus précisément, il faut que l’ensemble des équipes soient acculturées et habituées à baigner dans la complexité. Et parallèlement, il faut identifier et intégrer des chefs de projet, voire certains équipiers, qui soient des experts de la complexité. Or cette expertise en complexité n’est pas répandue, et souvent invisible ou ignorée, des managers comme des collaborateurs concernés eux-mêmes.

Quelles expertises pour bien conduire et réussir les projets complexes ?

Mon expérience dans l’accompagnement de ces projets m’a montré que les experts en complexité sont des personnes qui aiment la complexité, mais pas trop ! Qu’est-ce que cela signifie ?

D’un côté, il faut que ces personnes aient l’habitude de baigner dans la complexité, qu’elle ne les rebute pas. Edgar Morin décrit la complexité comme une pelote de laine dont les fils sont mêlés, intriqués : d’une certaine façon, ces personnes doivent aimer les pelotes de laines, et aimer les démêler ! Elles doivent aimer aussi un peu les casse-têtes … Mais d’un autre côté, il ne faut pas non plus que ces personnes aiment trop la complexité, pour ne pas avoir une tendance à la rechercher, voire la créer ou la renforcer.

En effet il arrive parfois que les solutions aux problèmes complexes soient simples : comme le dit l’adage, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Il est donc essentiel dans ces situations de savoir faire simple. Les experts en réussite de projets complexes sont donc capables d’aborder la complexité, de la regarder sans en avoir peur, mais en même temps aiment les résoudre rapidement, ont envie de sortir de cette complexité au plus vite, dans une logique d’efficacité individuelle et collective, de quête de résultats visibles et rapides.

D’une certaine façon, la complexité d’un projet est aussi liée à la perception que s’en font les principaux acteurs et leaders. Les experts en complexité ont donc une capacité à atténuer cet effet de perception. Ils ont aussi une capacité à se la représenter dans sa globalité, comme un tout cohérent, et dans la subtilité des interactions entre tous les éléments qui la composent.

Les meilleurs spécialistes de complexité incarnent des combinaisons de polarités contraires

Aimer la complexité, mais pas trop, n’est pas la seule dualité que doivent incarner les experts en charge de projet complexes. Ils doivent aussi savoir naviguer en permanence entre vision globale et vision de détail, entre analyse et synthèse. Suffisamment de vision globale pour ne pas se perdre en cours de chemin et maintenir le cap vers les objectifs définis, mais suffisamment entrer dans le détail pour comprendre les subtilités des interactions en jeu dans le projet, et savoir les démêler.

Ils doivent aussi se sentir à l’aise aussi bien dans le temps court et l’immédiateté, que dans le temps long. Le temps court pour avoir la réactivité au bon moment, être dans l’action quand il le faut. Et aussi le temps long, car un projet complexe nécessite du temps, en particulier celui de la réflexion en amont, mais aussi celui nécessaire à surmonter un obstacle de taille.

Les meilleurs spécialistes de complexité doivent aussi savoir combiner ténacité et agilité. La ténacité et la persévérance car ils ne doivent pas abandonner un concept ou un choix stratégique au premier obstacle, et doivent savoir insister pour contourner ces obstacles. Mais à l’inverse, ils doivent aussi savoir faire preuve d’agilité et d’adaptabilité, pour savoir renoncer au bon moment, quand une piste ne mène nulle-part, ou coûte trop cher ou trop de temps, et savoir prendre une nouvelle direction.

Et comme je l’ai déjà écrit dans un précédent article, ils doivent être à l’aise aussi bien avec l’intuition et les émotions, qu’avec la rationalité, sans que cette combinaison ne leur semble contre nature.

Où sont ces perles rares ? Existent-elles vraiment ? Comment les identifier ?

Décrites de cette façon, on pourrait croire que ces perles rares n’existent que dans nos rêves utopistes.

Pourtant, vous avez tous rencontré dans votre vie professionnelle des collègues un peu originaux et décalés. Des personnes qui donnent le sentiment de ne jamais savoir choisir, mais qui en fait peuvent basculer d’une option à une extrême inverse en un clin d’œil. Des personnes qui apprennent vite, comprennent vite, raisonnent vite, au point parfois d’être incompréhensibles. Des personnes éclectiques qui s’intéressent à mille choses et semblent souvent s’éparpiller. Des personnes qui n’ont pas de difficulté avec la dualité, les contraires, et la contradiction. Mais aussi des personnes sensibles, exigeantes, perfectionnistes, parfois aves des difficultés relationnelles.

Leur mode de fonctionnement original fait qu’ils n’occupent pas forcément des postes à responsabilités. Pour beaucoup, leur empathie fait qu’ils ont tendance à se fondre dans « la masse », et ne se font donc pas remarquer pour leurs aptitudes spécifiques à la complexité, qu’ils ont d’ailleurs tendance à minimiser voire à ignorer.

Les identifier commence donc par porter une attention particulière à toutes ces spécificités que je cite un peu plus haut (vitesse, éclectisme, intérêt pour la dualité …). Il faut aussi avoir une certaine ouverture aux profils atypiques : « Think different » avait écrit Steve Jobs comme signature d’Apple, un exemple à suivre à son époque en matière de projets complexes.

Cyril Barbé

Pour approfondir ce sujet, suivez ma Masterclass du mercredi 14 décembre 2022.

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